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  • Sainte-Sophie

    Sainte-Sophie

    Il me revient à l’esprit un cours d’histoire, datant de mes années au collège – ce devait être en 5ème, si mes souvenirs sont bons.

    Ce cours est resté gravé dans ma mémoire, grâce au professeur, dont je ne me souviens plus du nom, malheureusement. Il était de ceux qui parvenaient à nous passionner par son érudition, par la clarté de ses propos et la richesse des explications qu’il nous apportait.

    Ce jour-là, il nous avait parlé de l’empereur Justinien, plus grand empereur de l’Empire byzantin. Il nous avait narré son histoire qui nous avait fait tant rêver, les yeux fixés sur ces grandes cartes murales d’alors.

    L’un des points qui furent développés par notre professeur concernait la basilique Sainte-Sophie, située à Constantinople. Car après sa destruction, à la suite d’émeutes, elle fut reconstruite par notre empereur Justinien, qui posa, d’ailleurs, en personne, la première pierre. 

    Cela se passait en 532. Il y a 1488 ans de cela. Observons de plus près la trajectoire incroyable de cet édifice si particulier.

    Au cours de son existence, cette basilique ne souffrit pas uniquement de la folie des hommes, elle dut affronter des incendies, puis également – et surtout – plusieurs séismes, souvent meurtriers. L’un d’eux détruisit totalement le dôme central. Mais l’église fut reconstruite à chaque fois. 

    Elle fut le siège du patriarche orthodoxe de Constantinople.

    Plus tard, lors des croisades, l’église fut pillée par les croisés. Elle devint le siège du patriarche latin de Constantinople. 

    Quelques séismes plus tard, les Byzantins reprirent la ville. Nous étions en 1261.

    Lors de la conquête de Constantinople par les Ottomans, Sainte-Sophie fut transformée en mosquée, en 1453. Mais elle ne fut pas pillée.

    Régulièrement, il y eut des restaurations. 

    Lors de l’instauration de la république de Turquie, en 1918, Mustafa Kemal Atatürk poursuivit la restauration de l’édifice et, en 1934, il décida de désaffecter le lieu de culte pour « l’offrir à l’humanité ». Sainte-Sophie devint un musée.

    Image libre de droits

    On a dénombré pas moins de seize séismes, entre 553 et 1999.   

    Ainsi, au fil de son Histoire, Sainte-Sophie fut basilique chrétienne, mosquée, puis musée. La folie des hommes ? Parlons-en.

    En 2012, un parti islamo-conservateur insista pour que le musée redevienne mosquée. En 2013 l’idée progressa au sein du gouvernement de la même couleur politique dirigé par Recep Tayyip Erdogan. De nombreuses voix s’élevèrent alors dans le monde, pour tenter d’empêcher cet acte assimilé à « un geste de provocation et de division ». 

    Las ! Le 10 juillet 2020, le pas a été franchi : Sainte-Sophie de Constantinople, jadis basilique chrétienne, actuel musée et site du patrimoine mondial de l’UNESCO, avant tout symbole de laïcité, deviendra mosquée. Confisquée à l’humanité.

    Geste de provocation et de division. 

    J’aurais aimé évoquer cet acte avec mon professeur de 5ème.

    Mustafa Kemal Atatürk, quant à lui, a dû – une nouvelle fois, sans doute – se retourner dans sa tombe.

    Intérieur de Sainte-Sophie – Image libre de droits
  • Lale, Nur, Selma, Ece, Sonay et Hirut

    Turquie, Ethiopie. Non, il ne s’agit pas de récentes destinations estivales, mais plus simplement de deux films exceptionnels vus à moins de deux mois d’intervalle. A l’honneur, deux réalisateurs non moins formidables : Deniz Gamze Ergüven et Zeresenay Mehari.

    MustangDifret

    Lale, Nur, Selma, Ece, Sonay, Hirut : tels sont les prénoms des différentes héroïnes de ces deux longs métrages ; les cinq sœurs du film Mustang, puis la jeune fille de Difret. Le point commun qui unit ces deux œuvres a priori très éloignées géographiquement et culturellement : le poids des traditions ancestrales.

    Les deux films s’ouvrent sur une note de bonheur et d’insouciance. D’un côté, la joie d’une fin d’année scolaire et des premiers moments de vacances d’été où l’on voit en Turquie cinq soeurs s’amuser avec des garçons au bord de la mer, de l’autre, en Ethiopie, une jeune fille à l’école, bonne élève, à laquelle l’enseignant annonce qu’elle aura accès à la classe supérieure. Grand sourire sur le visage de l’adolescente qui, à la fin de la classe, repart à pieds chez elle annoncer la bonne nouvelle à sa famille. (suite…)

  • Qui se soucie des Kurdes de Syrie ? [Courrier International]

    Le Kurdistan a déjà fait l’objet d’un article en décembre 2010 sur ce blog. Nous y rappelions que le Kurdistan est un état qui n’avait pas vraiment d’existence officielle. La présence kurde définit une zone comprenant l’est de la Turquie, le nord-est de la Syrie, le nord et nord-est de l’Irak, ainsi qu’une partie de l’est de l’Iran.

    Les choses ont évolué en Irak, nous l’avions espéré dans notre dernier article. Dans ce pays existe aujourd’hui la « Région autonome du Kurdistan », dans le nord du pays (la capitale en est Erbil ; régime : démocratie parlementaire). Le Gouvernement régional kurde dispose d’une force armée (les Gardes régionaux kurdes, appelés aussi Peshmerga). Son chef d’Etat est Massoud Barzani. Voici une vue générale du Kurdistan :

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    Cette présentation faite, un article de Courrier International de la semaine dernière a attiré notre attention. Il titrait :

    SYRIE – Les Kurdes, les oubliés du conflit ?

    Signé par Amir Sharifi (président de la Kurdish American Education Society à Los Angeles), cet article a été publié originellement dans le journal Rudaw publié quotidiennement à Erbil. Il est précisé par Courrier International que « Rudaw s’intéresse aussi particulièrement à toutes les questions concernant les Kurdes, y compris hors d’Irak, en Iran, en Turquie et en Syrie.« 

    Mais revenons à notre article. Car la problématique présentée en dit long sur ce qui se déroule en ce moment en Syrie, qui se situe – comme nous le constatons sur la carte – à l’ouest de la Région autonome kurde. Or, les frontières humaines ne correspondent pas forcément – loin s’en faut – à la réalité ethnographique sur le terrain. Un foyer kurde est présent, comme nous le précisions, en Syrie. Or, dans le conflit qui se déroule dans ce pays, des groupes armés affiliés à Al-Qaida « mènent des sièges et des offensives contre les comités de protection du peuple kurde (YPG, milice kurde) et tuent, kidnappent, dépouillent, séquestrent et torturent des civils comme des combattants. » (Source : Observatoire syrien des Droits de l’Homme). Ces exactions terribles, qui durent depuis l’hiver dernier ont connu une intensification depuis le 18 juillet dernier : « cette guerre de terreur s’est intensifiée, semant le pillage, la destruction et la mort.« 

    Après avoir été blessé lors d’un bombardement à Alep, un homme kurde est soigné dans l’hôpital d’Afrin, le 9 avril 2013. (Photo AFP/ Dimitar Dilkoff)

    Le journaliste met en avant des éléments incontestables qui tendent à prouver que le Qatar soutient financièrement et militairement des formations telles que la brigade Ahfad Al-Rassoul… Ceci dit, il est aussi précisé que le responsable de la branche syrienne du Parti des travailleurs (PKK) a été invité officiellement à Istanbul pour négocier sur l’autonomie kurde et sur le poids de la Turquie dans le conflit en Syrie. Et il semblerait que la Turquie serait en train de reconsidérer sa politique à l’égard des Kurdes de Syrie, voire à prendre ses distances avec Al-Qaida et ses fanatiques religieux.

    Mais, dans le monde, nul ne semble s’inquiéter du sort des Kurdes de Syrie (ainsi que des autres communautés ethniques et religieuses présentes dans ce pays). Etats-Unis, Union européenne, ONU : silence radio. Les Kurdes « espèrent seulement que la communauté mondiale des droits de l’homme comprenne la situation difficile et les aspirations qui sont les leurs« 

    Or une dépêche de l’AFP datée d’hier, le 10 août, fait état d’une menace du chef de l’Etat de la Région autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, « d’intervenir dans le conflit syrien pour protéger la vie des civils kurdes de Syrie. » Disposant de sa propre force militaire, comme nous le disions, « la région du Kurdistan irakien mettra en oeuvre toutes ses capacités pour défendre les innocents », a affirmé M. Barzani. » afin de venir en aide aux Kurdes de Syrie.

    Retrouvez l’article très riche de Courrier International

    L’article original d’Amir Sharifi dans Rudaw (anglais)

    Un ancien article d’août 2012 au sujet du film Kurde-Irakien « Les Murmures du Vent »

  • Abdul Karim Hamdan, d’Alep

    Lorsque l’on parle de la Syrie, ou que l’on tape ce nom dans Google, tout nous ramène à la guerre, à la violence qui semble ne jamais pouvoir s’arrêter, à cette détresse d’une population dépassée par ces combats meurtriers…

    La République Arabe Syrienne – tel est son titre officiel – est située au sud de la Turquie, à l’ouest de l’Irak au nord de la Jordanie et d’Israël, et à l’est du Liban. Ce pays a connu dans son Histoire récente de nombreuses dictatures militaires. C’est par un coup d’Etat qu’en 1970 Hafez El-Assad prend le pouvoir – son régime était très autoritaire – jusqu’en 2000, année de sa mort. Son fils Bachar lui succède sans rien changer dans la manière de diriger le pays. Puis ce fut le Printemps arabe, début 2011. Le conflit qui naquit à cette occasion se transforma en véritable guerre civile par la suite et dure toujours, en 2013…

    Destruction de Homs
    Destruction de Homs (cette photo a circulé sur Twitter récemment et montre dans quelle état de désolation se trouve cette ville)…

    Et au milieu de ces événements qui semblent ne jamais pouvoir trouver de fin, il reste des instantsAbdul Karim Hamdan où le temps semble suspendre son vol, laissant s’exprimer, sous quelque forme que ce soit, l’Art. Tels des îlots de Lumière dans un environnement de ténèbres, ces moments, tels des miracles, viennent enchanter les coeurs et les esprits. C’est le cas de ce chanteur, Abdul Karim Hamdan, qui a participé à une émission, dérivée d’American Idol ou – plus proche de nous – de The Voice : Arab Idol. Abdul Karim Hamdan vient d’Alep, ville du nord du pays. Il interprète sur cet extrait une chanson du patrimoine alépin. Et quand on voit l’effet que cela produit sur le jury et dans le public…

    Puisse ce pays sortir rapidement de cette guerre civile, ce cauchemar innommable…

    Liens :

    • Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Syrie

    • Ministère des Affaires Etrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/article/actualites-syrie

    • Arab Idol : http://shahid.mbc.net/media/program/347/Arab%20Idol