Étiquette : Jean Claude AMEISEN

  • La quête de la vie-sans-fin…

    Combien de fois ai-je souhaité pouvoir rendre hommage à celui qui, chaque fin de semaine, nous permet de voir plus loin, plus haut, depuis les épaules des géants…

    Sur les épaules de Darwin, sur les épaules des géants. Se tenir sur les épaules des géants et voir plus loin, voir dans l’invisible, à travers l’espace et à travers le temps… Par ces mots commençait l’émission de samedi dernier. Combien de fois, me suis-je laissé captiver par cette voix si particulière qui aborde tant de sujets tous plus passionnants les uns que les autres, avec un simplicité et une poésie admirables. Oui, comment résister ? Mais quel rendez-vous exquis ! Alors quand ce samedi 16 mai, à 11h00, Jean Claude Ameisen – car c’est bien sûr de lui qu’il s’agit – nous a parlé du langage qui a commencé à voyager en silence, à travers l’espace et à travers le temps, puis qui a évoqué la Mésopotamie, le souverain Enmerkar, les caractères cunéiformes, l’immense Jean BOTTERO… Un domaine qui me passionne depuis si longtemps (celles et ceux qui me connaissent le savent bien). Ô temps suspends ton vol…

    Ci-dessous figurent deux liens vers les deux épisodes de cette épopée intitulée « La Quête de la Vie-sans-fin » (du 9 puis du 16 mai). Plus bas vous trouverez une transcription des premiers mots de cette extraordinaire émission.  Et tout à la fin, la bibliographie figurant sur la page de l’émission.   

    La quête de la vie-sans-fin (1), diffusée le 9 mai 2015 :

    ••• https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/la-quete-de-la-vie-sans-fin-8832460

    La quête de la vie-sans-fin (2), diffusée le 16 mai 2015 :

    ••• https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/la-quete-de-la-vie-sans-fin-2-6981491

    Sur les épaules de Darwin, sur les épaules des géants.
    Se tenir sur les épaules des géants et voir plus loin, voir dans l’invisible, à travers l’espace et à travers le temps.
    Pouvoir s’évader du présent et voyager à travers le temps, plonger notre regard dans le passé, et remonter le temps à contre-courant. Tenter de partager ce qu’il y a pu avoir, à la fois d’unique et d’universel, dans chacun de ceux qui nous ont précédés. S’ouvrir au monde et aux autres, ressentir que nous sommes faits de l’empreinte de ce qui a disparu, de celles et de ceux qui ont disparu, que nous sommes faits d’absences, de la présence de l’absence de ce qui demeure en nous de tout ceux qui nous ont précédés.

    Je veux savoir – dit Borgès – Je veux savoir à qui est mon passé. Je suis tous ceux qui ne sont plus. Je suis dans la soirée, ces gens perdus. Aller à la rencontre de notre passé, tenter de faire ressurgir à la lumière une part de ce qu’ont vécu tous ceux qui ne sont plus, lire et plonger soudain dans des mondes invisibles, voyager immobiles, à travers l’espace et à travers le temps, partir, nous perdre, puis revenir, renaître, plus riches de ce que nous avons vécu. Lire.

    Il fut un temps où tout récit était un chant. Il n’y avait pas d’histoires, pas de poèmes, pas d’épopées, pas d’enseignements, pas de recherches qui ne soient incarnés dans la musique d’une voix, tout langage était oral. Plus tard, quand les images puis les mots ont commencé à s’inscrire dans la pierre, dans l’argile, le papyrus puis le parchemin, les récits n’eurent plus besoin de voix.

    Les récits avaient acquis le pouvoir de traverser le temps en silence et d’attendre qu’un regard les éveille. L’écriture a donné au langage un pouvoir nouveau. Une capacité à persister, à être préservée sous forme de traces, sur un support matériel durable et transportable. Alors, le langage a commencé à voyager en silence, à travers l’espace et à travers le temps.

    L’écriture et la lecture ont permis de voir, d’entendre, de découvrir une autre personne, en l’absence de cette personne qui peut être très loin de nous, ou avoir disparu depuis très longtemps. (…)

    La proximité de la mer, une anthologie de 99 poèmes
    de Jorge Luis Borges
    éditeur : Editions Gallimard
    parution : 2011

    Source : La quête de la vie-sans-fin / France Inter

    JCA

    Merci, Jean Claude AMEISEN…

    Merci France INTER…

  • Histoire de presque rien…

    Johannes Kepler

    « A l’honorable Conseiller à la cour de sa majesté impériale, le seigneur Matthäus Wacker von Wackenfels, chevalier et patron des écrivains et philosophes, mon maître et mécène,

    De la part de son ami Johannes Kepler, mathématicien impérial de la cour, à Prague, auprès de Rudolf II, empereur du Saint Empire Romain, roi de Bohème et de Hongrie. […]

    Je sais à quel point vous appréciez le Rien.

    Et donc je peux facilement dire qu’un cadeau vous fera d’autant plus plaisir qu’il se rapprochera de Rien.

    Le cadeau qui vous fera plaisir devra donc être à la fois petit et insignifiant, peu couteux et éphémère, c’est à dire presque Rien. Et comme il y a de nombreuses choses qui partagent cette caractéristique dans le royaume de la nature, il me faut faire un choix parmi elles. […]

    Alors que je considérais avec anxiété ces sujets, je traversais un pont – mortifié par mon impolitesse d’apparaître devant vous sans cadeau de Nouvel An – sauf peut-être (pour continuer sur le même ton) celui que je veux toujours vous apporter, c’est à dire Rien.

    Et je ne parvenais pas à penser à quelque chose qui, tout en étant proche de Rien, pourrait pourtant être aussi l’occasion d’une réflexion subtile.

    A ce moment précis, par un fait heureux, une partie de la vapeur dans l’air a été assemblée en neige par la force de ce froid, et quelques flocons épars sont tombés sur mon manteau, tous hexagonaux, avec des branches duveteuses.

    Par Hercule !

    Ici, il y avait quelque chose de plus petit qu’une goutte, et qui pourtant avait une forme.

    Ici, en effet, il y avait un cadeau de Nouvel An des plus désirables pour l’amoureux du Rien – un cadeau digne d’un mathématicien, puisqu’il descend du ciel et ressemble à une étoile. Un flocon de neige.

    Kepler rappelle à son protecteur qu’en latin la neige se dit « Nix » et qu’en allemand, qui est sa langue, « Nichts » signifie « Rien ».

     Johannes Kepler. Strena seu de nive sexangula (Etrennes ou la neige hexagonale).

    Extrait retranscrit de l’émission « SUR LES ÉPAULES DE DARWIN » par Jean Claude AMEISEN rediffusée le samedi 29 décembre 2012 de 11h00 à 12h00 (France Inter).