Tout a commencé, il y a quelques années, par une lecture formidable. Celle de ce livre qui, l’année même de sa parution, en 2008, obtint le Prix Goncourt.
En quatrième de couverture, ces quelques lignes :
Syngué sabour, n.f. (du persan syngue «pierre», et sabour «patiente»). Pierre de patience. Dans la mythologie persane, il s’agit d’une pierre magique que l’on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères… On lui confie tout ce que l’on n’ose pas révéler aux autres… Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate… Et ce jour-là on est délivré.
Atiq Rahimi, l’auteur, est né le 26 février 1962 à Kaboul, Afghanistan. C’est un romancier et un réalisateur de double nationalité française et afghane. Il vit la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1984, puis il se réfugie au Pakistan. Après avoir demandé l’asile politique à la France, il obtient son doctorat en audiovisuel à la Sorbonne. Pendant ce temps, son frère, communiste, resté en Afghanistan, est assassiné en 1989, mais Atiq Rahimi n’apprend sa mort qu’un an plus tard. Son premier long-métrage « Terre et Cendres » (Khâkestar-o-khâk), présenté dans la section Un Certain Regard au festival de Cannes 2004, a obtenu le Prix du Regard vers l’Avenir. Contrairement à ses trois premiers romans écrits en persan, Syngué Sabour, Pierre de patience, est directement écrit en français : « Il me fallait une autre langue que la mienne pour parler des tabous ». (Source : RFI)
En Afghanistan peut-être, ou ailleurs, une femme veille son mari blessé. Les heures et les jours passent tandis que la guerre approche. Et la langue de la femme se délie, tisse le récit d’une vie d’humiliations, dans l’espoir d’une possible rédemption…
Aujourd’hui, je découvrais un très beau film, diffusé par le cinéma Lumière, à La Ciotat.
Très fidèle au livre, quelle surprise de voir les représentations personnelles que livraient ce roman devenir mouvements, paroles et couleurs sur grand écran. Quelles images ! Et quelle actrice, Golshifteh Farahani ! Quelle présence. Quelle dimension. Quel plaisir de la retrouver, après l’extraordinaire film « A propos d’Elly » (Darbareye Elly), d’Asghar Farhadi. Syngué sabour a été tourné en persan et en dari, le persan afghan. « Golshifteh Farahani a été obligée d’apprendre ses dialogues en afghan sans y changer un seul mot. Les Iraniens, pour comprendre le film, doivent lire les sous-titres ». (Source : Marianne). La voir ainsi, aux côtés de son mari, au sol, inerte, blessé gravement, maintenu en vie on ne sait comment. La femme parle. Lui parle. Elle se confie. Très rapidement, la parole se libère. Tandis qu’au dehors, la menace est permanente. La tension toujours palpable. Des cris par-ci, un bombardement par-là. Des rafales d’armes automatiques au loin. Les chenilles d’un véhicule blindé qui s’approche dans un vacarme assourdissant. Et la femme tient. Elle est vivante. Une grande histoire. La puissance des mots. Tous comptes faits, qui mieux que la grande Golshifteh Farahani pouvait donner à ce rôle si particulier toute la dimension qui est la sienne.
Ne loupez pas ce film. Et en VO surtout, histoire d’apprécier pleinement cette oeuvre.
PS (08 août 2013) : Bonne nouvelle : le livre Syngué Sabour est également sorti en Poche (à partir de 5,70 €) ! Lien vers Amazon (ou passez chez votre libraire local, de préférence)…
• Liens :
Syngué Sabour :
Golshifteh Farahani :
– Le très beau portrait « Mon nom est persane » de Elisabeth FRANCK-DUMAS sur next.liberation.fr