« Nous vivons dans un monde de crises, de méfiance et d’incertitudes. Voici notre réponse olympique : Les dix-mille meilleurs athlètes du monde, en compétition les uns face aux autres, vivent pacifiquement ensemble au Village, partageant leurs repas et leurs émotions. Dans cet univers olympique, il y a une loi universelle pour tous. Dans cet univers olympique, nous sommes tous égaux. Dans cet univers olympique, nous voyons que les valeurs partagées par l’Humanité sont plus puissantes que les forces qui veulent nous diviser. Je vous lance un appel, athlètes olympiques : respectez-vous, respectez vous les uns les autres, respectez les valeurs olympiques qui rendent les Jeux Olympiques uniques pour vous et pour le monde entier ».
« Nous vivons dans un monde où l’égoïsme gagne du terrain, où certaines personnes prétendent être supérieures aux autres. Voici notre réponse olympique : Dans l’esprit de la solidarité olympique et avec le plus grand respect, nous accueillons l’équipe olympique des réfugiés. Chers athlètes réfugiés : vous envoyez un message d’espoir aux millions de réfugiés dans le monde. Vous avez dû fuir vos maisons à cause de la violence, la faim, ou juste parce que vous étiez différents. Avec votre grand talent et votre humanité, vous apportez maintenant une belle contribution à la société. Dans cet univers olympique, nous ne faisons pas que tolérer la diversité. Dans cet univers olympique, nous vous accueillons comme un enrichissement de notre « Unité dans la diversité ».
Thomas Bach, président du CIO
Voici l’incroyable accueil qui a été réservé par les nombreux spectateurs à l’Équipe Olympique de Réfugiés, au moment où ces dix athlètes entraient dans le stade Maracana, précédés par la bannière Olympique :
Mettons à présent un visage sur chaque nom de ces athlètes et faisons connaissance avec ce qui fut leur histoire, souvent incroyable et tellement dramatique…
Rami Anis, 25 ans, nageur, originaire de Syrie et réfugié en Belgique. Natation.
Rami se souvient douloureusement de son terrible périple qui l’a finalement conduit en Belgique, en octobre 2015 – « la pire expérience de [sa] vie », selon ses mots. « Personne n’aurait envie de garder en mémoire autant de mauvais moments. Mais, depuis mon arrivée, on me les rappelle sans cesse… », souffle le nageur syrien qui a fui Alep avec sa famille dès l’automne 2011 pour rejoindre la Turquie : l’attente à Izmir, ce grand port de la mer Egée, la traversée sur un canot pneumatique jusqu’à l’île grecque de Samos, puis la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne, et enfin la Belgique. Parfois en train, le plus souvent en bus ou à pied. « On ne mangeait pas bien, on ne dormait pas bien. Parfois, on nous réveillait en pleine nuit pour franchir une frontière… » Rami a fait le voyage avec son frère cadet âgé de 20 ans, Mohammed, deux mois après leur père. Trop fragile physiquement, leur mère, elle, est restée à Istanbul, où vit le frère aîné. Rami Anis aura une pensée pour son oncle Majad. C’est lui qui, en nageur émérite, fit un jour découvrir la natation au petit garçon d’à peine 3 ans, lors d’une compétition qu’il disputait à Alep (Syrie), bien avant le déclenchement de la guerre civile en 2011. Vingt-deux ans plus tard, le voici qui s’apprête à prendre part au plus grand événement sportif du monde.
Yusra Mardini, 18 ans, nageuse, originaire de Syrie et réfugiée en Allemagne. Natation.
Yusra Mardini, 18 ans, et sa sœur aînée Sarah avaient fui leur maison de Damas détruite durant le conflit syrien. Elles avaient parcouru leur route jusqu’à des camps de réfugiés au Liban. Là, elle cherchaient, comme des milliers de ses compatriotes, à se construire une nouvelle vie en Europe, en tentant la très périlleuse traversée de la Méditerranée dans un bateau inadapté, de la Turquie à la Grèce.
Durant cette traversée de nuit, il y a moins d’un an, le moteur est tombé en panne et la frêle embarcation a commencé à prendre l’eau. C’est là que Yusra Mardini, talentueuse nageuse qui avait disputé les championnats du monde 2012 pour la Syrie, a réalisé qu’ils risquaient tous de couler. Elle s’est donc jetée à l’eau avec Sarah et deux autres personnes pour pousser le bateau vers la terre ferme, l’Ile grecque de Lesbos. « Nous n’étions que quatre à savoir nager. J’avais une main attachée à la corde du bateau tandis que mon autre main et mes deux jambes étaient en action. Trois heures et demi dans de l’eau froide. Votre corps est comme tétanisé. Je ne sais pas comment décrire ça », a-t-elle raconté. Son périple depuis Damas, en Syrie, jusqu’en Allemagne (à Berlin) a duré 25 jours…
Yolande Mabika, 28 ans, judoka, originaire de République démocratique du Congo et réfugiée au Brésil. Judo.
Popole Misenga, 24 ans, judoka, originaire de République démocratique du Congo et réfugié au Brésil. Judo.
Yolande Mabika, 28 ans, et Popole Misenga, 24 ans, les deux judokas de l’équipe. Originaires de Bukavu, dans l’est de la RDC (République démocratique du Congo), ils ont fui la guerre civile qui a dévasté le pays entre 1998 et 2003. Le conflit armé le plus sanglant dans l’histoire de l’Afrique contemporaine – une « guerre mondiale africaine », diront les experts – qui a coûté la vie à 5,4 millions de personnes, selon les Nations-Unies. Yolande avait 10 ans et Popole, 8 ans. Ce dernier avait été retrouvé après avoir erré pendant huit jours dans la forêt. Sa mère ayant été assassinée alors qu’il n’avait que six ans, il est resté sans nouvelle de son père ainsi que de ses frères et sœurs. Il avait été amené à Kinshasa, la capitale, dans un centre pour les enfants déplacés par le conflit. Yolande et lui feront connaissance dans ce camp de réfugiés, où ils découvrent le judo. Mais les conditions d’entraînement deviennent chaque jour plus insupportables. « Si on revenait d’une épreuve sans médaille, on était maltraités, nourris seulement d’un peu de pain et de café pendant plusieurs jours », raconte Yolande. La jeune femme est à bout lorsque, en 2013, elle se rend avec Popole à Rio pour les championnats du monde. Ils saisissent l’occasion pour faire la belle puis trouvent refuge au sein de Caritas, l’association de défense des droits de l’Homme, à deux pas du stade Maracana.
Yonas Kinde, 36 ans, athlète, originaire d’Éthiopie et réfugié au Luxembourg. Athlétisme · Marathon.
En 2012, Yonas Kinde a fui l’Éthiopie où il n’était plus en sécurité. Il connut des heures et des heures de marche, une traversée dangereuse de plusieurs jours en bateau, un traitement souvent inhumain de la part des passeurs, le tout exacerbé par la peur de l’inconnu, celle de périr avant d’atteindre le lieu de destination, par l’incertitude et la hantise de ne plus jamais revoir sa famille : « sans l’avoir vécu soi-même, il est difficile de s’imaginer réellement ce qu’endurent des millions de réfugiés à travers le monde ». Yonas Kindé, lui, comprend parfaitement ce que cela signifie de fuir sa maison à la quête d’une meilleure vie. A présent au Luxembourg, son entraînement a repris. « Je m’entraîne normalement tous les jours, mais quand j’ai entendu cette nouvelle (à propos de l’équipe de réfugiés), je me suis entraîné deux fois par jour, chaque jour, en vue de ces Jeux Olympiques.
« C’est une grande motivation », dit-il parlant à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Cette motivation a été alimentée par sa détermination personnelle de réussir dans quelque chose qui le passionnait, mais aussi de prouver que malgré tout, les réfugiés ont des talents et des rêves ; bien sûr, nous avons des problèmes… nous sommes réfugiés… Je pense que ce sera le grand message des réfugiés, jeunes athlètes : ils peuvent faire de leur mieux et cela va aider tous les athlètes réfugiés ».
Paulo Amotun Lokoro, 24 ans, athlète, originaire du Soudan du Sud et réfugié au Kenya. Athlétisme · 1500 mètres
Le jeune homme de 24 ans est né au Soudan du Sud où, pour sa famille, il gardait le bétail. Le reste du monde lui était tout bonnement inconnu. Il ne connaissait que son pays où les conflits civils se succédèrent les uns après les autres et qui l’ont obligé à fuir son pays avec sa famille, en 2004.
Avant de trouver un semblant de protection dans un camp de réfugiés Kenyan, le sportif explique que lui est sa famille, fuyant le conflit, ont « couru dans la brousse » pour y rester. La vie ne l’a alors de nouveau pas épargné : « Il n’y avait pas de nourriture, nous avons mangé des fruits ». Pour survivre, il a finalement rejoint avec sa mère, en 2006, un camp kenyan accueillant pas moins de 180 000 réfugiés, en majorité des Sud-Soudanais.
James Nyang Chiengjiek, 28 ans, athlète, originaire du Soudan du Sud et réfugié au Kenya. Athlétisme · 400 mètres
James est né au Soudan du Sud, à Beintu, alors que la guerre civile ravageait le pays. C’est là-bas qu’il a perdu son père, soldat lors de la seconde guerre civile en 1999, alors que celui qui deviendra un jour un grand athlète n’avait que onze ans. Si après ce tragique épisode de sa vie il est resté dans son village natal à surveiller le bétail, deux ans après, il a dû se résoudre à quitter son pays en raison du risque de se faire kidnapper par les rebelles pour en faire un enfant-soldat. Comme James Nyang Chiengjiek l’explique aujourd’hui : « Même si vous avez dix ans, ils peuvent vous recruter pour combattre de leur côté. J’ai vu que je n’étais pas capable de rejoindre l’armée, donc je me suis enfui ».
Après un long et dangereux périple à travers le Soudan du Sud où le risque de Kidnapping ne faisait que s’intensifier, il a finalement trouvé refuge au Kenya en 2002 comme beaucoup d’autres enfants sud-soudanais, tragiquement connus sous le nom des « enfants perdus du Sud-Soudan ».
Yech Pur Biel, 21 ans, athlète, originaire du Soudan du Sud et réfugié au Kenya. Athlétisme · 800 mètres
Yiech Pur Biel fait partie des milliers d’enfants du groupe ethnique Nuer et Dinka qui ont fui le Sud-Soudan lors de la seconde guerre du Soudan qui s’est achevée en 2005. Comme ces trop nombreux « enfants perdus du Soudan », il a dû se débrouiller seul, mais a redoublé de courage pour réussir sa vie.
Celui qui deviendra un athlète olympique a fui son pays il y a onze ans maintenant, pour rejoindre en 2005, seul, un des plus grands camps de réfugiés du monde : le camp de Kakuma au nord du Kenya, lieu de résidence de près de 180.000 personnes.
Rose Nathike Lokonyen, 23 ans, athlète, originaire du Soudan du Sud et réfugiée au Kenya. Athlétisme · 800 mètres
Cette Sud-Soudanaise courra le 800 mètres à Rio dans quelques jours alors que l’année dernière elle ignorait encore qu’elle avait un talent unique.
La jeune femme a quitté son pays en proie à la guerre à seulement dix ans : « Si mes parents ne nous avaient pas amenés au Kenya, nous serions morts », explique Rose . Ses parents sont par la suite rentrés au Sud-Soudan, laissant la future sportive et ses frères et sœurs dans le camp de réfugiés de Kakuma, au nord du Kenya, où elle a élu domicile comme 180 000 autres personnes déplacées…
Anjelina Nadai Lohalith, 21 ans, athlète, originaire du Soudan du Sud et réfugiée au Kenya. Athlétisme · 1500 mètres
Cette jeune sud-soudanaise a tout quitté à l’âge de 6 ans : sa famille, ses amis, sa maison, son pays… Les combats ayant atteint son village, elle n’a eu d’autre choix que de s’enfuir de chez elle en 2001 pour trouver asile dans un camp de réfugiés au nord du Kenya où elle est arrivée en 2002. C’est avec douleur qu’elle repense à son village où « tout a été détruit ».
Sans nouvelle de ses parents et ne sachant pas si ces derniers avaient survécu, elle a tout de même entrepris de reconstruire sa vie dans le camp de Kakuma, s’ajoutant ainsi aux milliers d’enfants qui ont fui le conflit soudanais.
Elle n’a appris que des années plus tard que ses parents étaient encore en vie. En revanche, elle n’a jamais eu l’occasion de les revoir, ni même de leur parler : « Depuis que je suis ici (au Kenya), je n’ai jamais pu communiquer avec eux ».
En savoir plus :
https://www.olympic.org/fr/news/equipe-olympique-des-refugies
Sur Twitter :
#ROT (pour « Refugee Olympic Team »)
Sources :
https://www.olympic.org/fr/news/les-athletes-olympiques-refugies-envoient-un-message-d-espoir-aux-personnes-deplacees
http://www.unhcr.org/fr/news/press/2016/6/57518bc9a/hcr-felicite-lannonce-lequipe-olympique-refugies-rio-2016.html
http://www.huffingtonpost.fr/2016/08/06/jeux-olympiques-cio-denonce-egoisme_n_11362644.html
http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques-rio-2016/article/2016/08/04/rio-2016-jeux-sans-frontieres_4978473_4910444.html
http://aujourdhuilaturquie.com/fr/yonas-kinde-refugie-et-athlete-aux-jo-portrait/
http://www.luxembourg.public.lu/fr/actualites/2016/08/01-yonas-kinde/index.html
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