Ils sont rares, ces moments ; inattendus, d’une infinie intensité, que l’on peut croiser parfois, comme ce mercredi après-midi lorsque, revenant d’Aix, j’écoutais France Inter. Après le flash de 17h00 débuta l’émission Nonobstant, présentée par Yves Calvi. Invité du jour : Yves Paccalet, philosophe, écrivain, journaliste, naturaliste, scénariste, ancien élève de l’ENS, venu parler de son livre qui venait de paraître (cf. plus bas).
Au fil des kilomètres, j’écoutais avec attention de plus en plus grande les propos tenus par cette personnalité. Quand arriva l’un des passages qui me parut d’une telle clarté et d’une telle puissance… Mais que faire : rien pour enregistrer à proximité. Force et beauté de l’éphémère : j’écoutais, j’appréciais pour la seule et unique fois…
Puis, quelques jours après, y repensant, je fis un tour sur le site web de la radio. Je trouvais alors facilement la page de l’émission Nonobstant, et là, ô surprise, je tombais sur un lien permettant de réécouter l’émission durant 30 jours ! Un éphémère qui suspend son vol un mois…
Une nouvelle chance m’étant donnée, je profitais d’une nouvelle écoute pour effectuer une transcription écrite de ce que j’entendais (pas les 56 minutes d’émission, mais les 2 ou 3 minutes que je voulais pouvoir transmettre). Ce travail étant terminé, je vous le livre afin que vous puissiez apprécier à votre tour les paroles d’Yves Paccalet.
Vous trouverez également certaines informations le concernant ainsi que l’adresse de son blog.
(Je restitue l’intégralité des paroles prononcées, marquant les rares passages inaudibles ou incompréhensibles. Je n’ai pas cherché à améliorer la syntaxe ou certains points de vocabulaire propres à la spontanéité du langage parlé).
(Yves Paccalet) » Il y a des endroits où on a l’impression d’être à la fois un petit insecte qui est en train de cheminer sur la peau de la terre, un insecte négligeable, mais en même temps un insecte qui a la possibilité d’avoir cette vue, d’avoir ses souvenirs, d’avoir ses projections, d’avoir ce compagnonnage avec les écrivains, avec les poètes, avec les philosophes, avec les scientifiques (…) ».
« L’Humanité a longtemps cru que les étoiles avaient été constituées pour elle, que l’ensemble de l’univers et la Terre en particulier, était à son service. Ma position philosophique – parce que le boulot de philosophe est celui que j’ai commencé quand j’étais étudiant et que je continue maintenant, l’humanité est le produit produit – comme disait Jacques Monod – de beaucoup de hasards et des lois de la physique, de la chimie et de la biologie, et l’Humanité n’est que ce petit insecte de rien du tout – elle n’a que 150.000 ans si l’on prend l’Homo-Sapiens – elle n’est pas du tout sûre de terminer le XXIe siècle (ça c’est mes hypothèses pessimistes de guerre nucléaire qu’on voit approcher) et même si elle survit, son destin n’est pas assuré pour bien longtemps, elle est en train de saccager la Terre sur laquelle elle a été formée, et la position philosophique que je développe c’est de dire que cette Humanité qui est arrivée par hasard et par nécessité, est une petite chose /?/ de manifester l’orgueil immodéré qu’elle manifeste tous les jours.
(Yves Calvi) « Mais c’est ce qui fait notre force aussi » ?…
(Yves Paccalet) « Alors, c’est en effet une espèce extrêmement bizarre, parce qu’elle a eu la chance d’obtenir de l’évolution un gros cerveau, qui lui a permis d’avoir conscience d’elle-même, conscience d’elle en tant qu’individu, chaque individu a conscience de lui-même et conscience également de la totalité de l’espèce humaine et conscience du Monde. Elle a eu ce gros cerveau qui lui a donné la possibilité d’étudier le Monde, la science, de réfléchir sur lui, de développer des techniques, donc de le transformer, enfin de transformer le Monde.
Et c’est là que le philosophe reprend le dessus : quel Monde ? Une toute petite planète de rien du tout appelée la Terre. On n’en a pas d’autre. On ira, j’espère, de mon vivant – j’aimerais bien faire partie du voyage – sur Mars ou sur Vénus, mais bon : on n’ira pas s’établir là-bas massivement comme on est allé en Amérique ! Parce qu’il n’y a rien là-bas : il faut tout reconstruire. Donc, cette toute petite planète, on n’a que celle-là, qui tourne autour d’une étoile d’une taille très modeste, une petite jaune – le Soleil – très commune dans notre Galaxie. Notre galaxie, c’est la Voie Lactée. La Voie Lactée a 150 milliards (enfin, entre 100 et 200 milliards) étoiles dont beaucoup sont bien plus grosses que le Soleil. Et cette galaxie, la Voie Lactée, que nous admirons de profil, quand on a un ciel pas trop pollué, est une parmi les 200 milliards de galaxies qui existent dans l’Univers. Dans l’Univers connu, parce que les scientifiques pensent qu’il y a peut-être d’autres univers.
Donc, cette planète de rien du tout qui porte une espèce de rien du tout autour d’une petite étoile de rien du tout dans une galaxie gigantesque sachant qu’il y a 200 milliards de galaxies : quoi que nous fassions, nous ne sommes rien. Alors nous ne sommes importants uniquement pour nous-mêmes. Parce que même les autres espèces sur la Terre soit regrettent que nous soyons là – parce que nous avons pris toute la place – soit se moquent totalement de ce que nous faisons, de ce que nous pensons, de ce que nous allons devenir. Donc la vanité absolument incroyable de l’Humanité doit être jaugée aux vrais critères de l’astronomie, de l’astrophysique : nous ne sommes rien. Nous nous croyons tout ; nous ne sommes rien.
Ca c’est ma position philosophique. Alors nous avons tout lieu d’être contents de notre sort, mais profitons-en avec le Carpe Diem : profitons de chaque jour et essayons de prévoir un peu mieux l’avenir que nous le faisons maintenant, parce que ce privilège d’avoir atterri sur cette planète pourrait ne pas durer ! »…
Gros plan sur l’émission :
France Inter / Nonobstant, présentée par Yves Calvi, du lundi au jeudi de 17h00 à 17h50
Invité du mercredi 30 septembre 2009 : Yves Paccalet
Ecoutez l’émission du mercredi 30 septembre 2009 en cliquant sur ce lien ! (En ligne normalement durant 30 jours, c’est à dire jusqu’à la fin du mois d’octobre).
Le livre d’Yves PACCALET « Le grand roman de la vie » est paru le 2 septembre 2009 aux éditions JC Lattès.
Vous trouverez le Blog d’Yves PACCALET à cette adresse : http://www.yves-paccalet.fr/blog/
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